22 août 2012: à quel point la CAQ=ADQ et les effets sur les projections

L'une des clés pour projeter cette élection est de savoir ce qui est arrivée à l'ADQ. Le modèle part en effet du principe que si un parti ne bouge pas au niveau provincial, alors ce dernier ne bouge dans aucun comté. C'est une hypothèse qui fonctionne relativement bien. Cependant, cela pose des problèmes quand un parti disparaît et un nouveau arrive.
Avec la CAQ, la méthode facile serait de dire: ADQ=CAQ, ainsi cette dernière "commence" à 16.7% et voilà. Sauf que cela serait une simplification plutôt grossière. Dans ce billet, je vais montrer pourquoi je ne pense pas que l'ADQ=CAQ et les effets sur les projections. La première partie est instructive mais la deuxième est technique.

Regardons tout d'abord les sondages de fin 2011 lorsque la CAQ a été créée (en tant que parti) et que l'ADQ a disparu/fusionnée avec. Le 18 octobre 2011, l'ADQ est remontée (après avoir chutée plutôt bas après le départ de Mario Dumont) à 18%. C'est avant que Léger n'inclut la CAQ comme choix de réponse. Lorsque Léger offre le choix du parti de François Legault, on voit que l'ADQ perd environ 50% de son soutien. Sauf dans la région de Québec où seulement 25% rejoignent la Coalition directement.
Entre Octobre et Décembre, Léger continue d'offrir les deux choix et le parti de Legault trône en tête alors que l'ADQ reste à 8% environ. Ensuite vient la fusion et Léger ne propose plus que la CAQ. Or cette dernière n'augmente pas incroyablement avec la disparition/fusion de l'ADQ. Bien sûr il n'est pas facile de comparer. Il se peut que la CAQ ait été à seulement 30% ce mois-ci et c'est en fait les nouveaux venus de l'ADQ qui lui permettent de se maintenir à 35%. Mais dans les faits, le PQ semble recueillir une partie des adéquistes orphelins.
Crop avait moins de sondages durant cette période, ou du moins avec moins d'information.

Regardons plus récemment. Les sondages Forum nous permettent de voir les intentions de votes actuelles en fonction du vote de 2008. Les deux derniers sondages montrent que seulement 55-60% des Adéquistes de 2008 auraient rejoint la CAQ. Une chiffre faible compte-tenu que la Coalition est sondée bien plus élevée que le résultat de l'ADQ il y a 4 ans. En effet, il est normal que le PLQ ne conserve que 67% puisque mathématiquement, ce parti ne pourrait pas conserver 100% avec sa chute dans les intentions de votes. Le PQ, qui est relativement stable entre maintenant et 2008, garderait 75% de ses électeurs. Ainsi, il semble bien qu'il y ait une portion non négligeable d'anciens adéquistes qui n'ont pas suivi leur parti et ne voteraient pas Legault. Et il semble que ce soit davantage le cas dans la région de Québec qu'ailleurs.

À quel point cela influence-t-il les projections? Avant de répondre, il faut bien comprendre une chose. Que la CAQ ait conservé 100% ou 0%, il faut que si ce parti est sondé à (par exemple) à 25% (ou entré dans le modèle à 25%), que ce modèle projette ce parti à 25% en moyenne. Sinon cela n'a pas de sens. Ainsi, eu importe la part conservée de l'ADQ, cela ne cause pas une sous ou sur-estimation de ce parti. Ce que cela influence cependant est la répartition régionale de ces votes. Si la CAQ a conservé 100%, ce parti commence à 16.7% et son vote est essentiellement concentré à Québec. Et donc la variation provinciale est de 25%-16.7%=7.3%. Dans l'autre cas, si la CAQ a conservé 0%, ce parti commence à 0% et la variation provinciale est de 25%.
La question est donc de transposer cette variation provinciale dans chaque comté. C'est là qu'on entre en territoire inconnu. Le modèle utilise les résultats des élections précédentes afin d'estimer des coefficients de variation régionaux, ainsi que le fait d'être le candidat sortant. Or pour la CAQ, nous n'avons pas de données précédentes. Le compromis adopté par le modèle est de faire une moyenne entre une variation purement linéaire (une hausse de 1 point au niveau provinciale entraîne une hausse de 1 point partout) et les coefficients de la défunte ADQ (donc la variation est amplifiée à Québec et le 450, atténuée à Montréal p. ex). L'interprétation est que la CAQ séduit en partie les mêmes électeurs que l'ADQ, mais est moins concentrée dans son soutien. Cela m'a semblé comme un compromis raisonnable.

Si vous voulez voir les effets, voici une version "avancée" du simulateur où vous pouvez entrer non seulement les pourcentages provinciaux, mais également la part de l'ADQ conservée (ou reprise) par chaque parti, dans quelques régions. Rappelez-vous que plus vous partez du principe que la CAQ a conservé une part importante de l'ADQ, et moins la variation provinciale est importante. À l'inverse, si vous mettez davantage de votes ADQ allant au PLQ, ce parti commence non pas à 42% mais plus élevé et sa variation provinciale est plus grande. Encore une fois, cela ne change pas le niveau de soutien en moyenne, mais la répartition régionale de ce soutien.
Vous pouvez ainsi comprendre pourquoi ce paramètre a une importance cruciale pour estimer correctement la CAQ. Par exemple, lors de la dernière révision majeure du modèle, je n'ai en fait que fait en sorte que la CAQ conserve moins à Québec (au profit du PLQ) et davantage dans le 450. Cela ne cause pas des changements de 10-15%, mais assez de petites variations pour changer le gagnant dans quelques comtés. Cela fait en sorte que le PLQ est plus compétitif que prévu à Québec mais que la CAQ est plus élevée dans le 450.

Amusez-vous ainsi avec le simulateur avancé si cela vous intéresse. Vous ne pouvez régler la part de l'ADQ seulement pour les trois principaux partis cependant. Les valeurs de départ sont les valeurs du modèle. Elles peuvent être modifiées plus tard, mais ces valeurs ont été choisies afin de refléter du mieux possible la répartition régionale des votes selon les sondages. En moyenne, la CAQ conserve 75%, le PLQ récupère un peu moins de 10% (mais davantage à Québec) et le PQ un peu davantage en moyenne. C'est à vous de vous assurer que vous ne redistribuiez pas davantage que 100% des votes ADQ cependant. Sachez également qu'en raison de la concentration du vote ADQ dans la grande région de Québec (et Appalaches), modifier le % pour cette région a une influence bien plus importante que si vous modifiez le % pour l'île de Montréal.