29 Mai 2012: Effets de la crise étudiante

Le conflit opposant les étudiants et le gouvernement du Québec semble ne pas en finir. Bien que les rumeurs d'élections soient moins présentes que lors des derniers mois, on ne peut pas cependant complètement écarter une élection estivale. Certaines rumeurs parlent d'ailleurs d'une élection en cas d'absence d'accord d'ici peu.

Il est ainsi intéressant de regarder l'effet de ce conflit sur les intentions de vote et des projections. Ces effets sont principalement de deux sortes.

1) Effets sur les intentions de vote provinciales. Si on regarde ces intentions de vote au cours des 2-3 derniers mois (que ce soit chez Crop ou Leger), on peut voir que le grand perdant semble être la CAQ. Le PLQ est resté très stable avec une légère remonté récemment alors que le PQ a grimpé vers février-mars mais a depuis chuté légèrement. Le fait que la population Québécoise semble très divisée sur ce conflit et sur la loi spéciale explique probablement pourquoi le PQ et PLQ sont restés relativement stables.
La CAQ était en perte de vitesse avant que cette crise étudiante ne prenne l'ampleur qu'elle a actuellement, donc il serait faux d'attribuer à ce conflit toute la responsabilité de la chute du parti de François Legault. Ce que l'on peut dire cependant, c'est que la CAQ n'a en tout cas pas su tirer profit de ce conflit. Pourquoi? Probablement que de se ranger essentiellement derrière la position du gouvernement n'a pas aidé. Je ne suis pas stratège politique, mais en cas de crise majeure comme c'est le cas actuellement, un tiers parti (qui plus est en perte de vitesse) devrait probablement être plus original et proposer quelque chose de nouveau afin de se démarquer. En soutenant le PLQ, la CAQ n'offre pas vraiment de raisons aux électeurs de voter pour un parti différent des deux principaux. L'autre "gagnant" de cette crise semble être, dans une certaine mesure, QS. Ce parti est naturellement opposé à la hausse des frais de scolarité et c'est typiquement le type d'enjeux sur lequel un parti de gauche, présent surtout à Montréal, peut se positionner pour faire des gains. Depuis cette crise, QS qui semblait en perte de vitesse est revenu aux alentours des 10% provincialement.

2) Effets régionaux. Si la crise actuelle ne semble pas avoir permis à l'un des principaux partis de tirer son épingle du jeu, il se peut que ce conflit qui est essentiellement concentré à Montréal, ait eu des effets plus localisés. Si tel est le cas, c'est une mauvaise nouvelle pour le modèle vu que ce dernier est basé sur les tendances régionales historiques. Pour utiliser un exemple que j'ai déjà mentionné, imaginez que le PQ grimpe à 40% mais pas en gagnant des votes francophones mais en grimpant, soudainement, chez les anglophones. Le modèle serait ainsi faux car historiquement, les gains du PQ seraient répartis principalement dans les comtés francophones. Ainsi, si cette crise étudiante a des effets locaux allant à l'encontre des tendances régionales passées, cela créera des problèmes.
Dans ce cas précis, les sondages semblent indiquer un clivage Mtl-Reste du Québec relativement important concernant cette crise. Par exemple, on voit clairement dans le dernier Crop que la population hors de Mtl soutient bien davantage le gouvernement, tant sur la question des frais de scolarité que sur la loi spéciale. Au final, il se peut que le PLQ et PQ soient stables nationalement, mais que beaucoup de variations locales existent. Typiquement le genre de variations que le modèle ne gère pas bien. Si tel est le cas, il faut ainsi corriger certaines projections du modèle.
Si on utilise les chiffres du dernier Crop-La Presse et compare les moyennes régionales au sondage (Mtl métro, Québec métro), il semble en effet que le modèle surestime le PLQ à Montréal et le sous-estime dans la région de Québec. Cela est une illustration de changements au niveau régional, mais neutres au niveau national. Cela signifie que le PLQ est potentiellement plus vulnérable que le modèle ne le laisse présager dans beaucoup de circonscriptions de Montréal-Est. En même temps, il semblerait que la CAQ ait un adversaire plus redoutable que prévu dans la région de la capitale nationale. Il me faudra peut-être corriger le modèle afin de tenir compte de cela.

Une autre possibilité serait que le vote étudiant soit bien plus fort lors de la prochaine élection (en particulier s'il y a des élections cet été). Il est en effet facile d'imaginer que les étudiants voudront punir le gouvernement et voter pour une alternative. Dans ce cas-ci, les gagnants seraient le PQ et QS (ainsi que le Parti Vert). Vincent Marissal mentionne les comtés de Rosemont, Hochelaga et Sainte-Marie-Saint-Jacque qui pourraient tourner QS. Pourtant, même à 10% provincialement, QS reste projeté loin derrière selon le modèle. En grande partie car le PQ pendant ce temps-là reste bien au-dessus des 30%. Cependant, un vote étudiant massif supportant QS pourrait changer la donne. Après tout, le modèle assume implicitement une participation similaire aux élections passées. Il faudrait une mobilisation majeure cependant car QS est actuellement projeté aux alentours des 20% dans ces circonscriptions, un bon 20-25 points derrière le PQ. Le problème? La répartition régionale du dernier Crop-La Presse montre QS à 9% provincialement et 11% dans le Mtl-métro. Si le vote QS était vraiment si concentré sur l'île et dans ces quelques comtés, on devrait voir une différence plus importante que cela.